Pour la Journée Mondiale des Océans, le 08 juin 2018, Aurore Asso, Femme des Océans, souhaite leur rendre hommage.


Ode à l'Océan Arctique :

Je voulais plonger dans l’Arctique, une des régions de la planète les plus sensibles au réchauffement climatique et à la pollution. La banquise diminue de 4,6% de sa superficie par décennie depuis 30 ans. Je voulais y plonger pour montrer la beauté et la vulnérabilité de cet écosystème marin. La glace de mer est un environnement complexe qui me fascine. Ses variations saisonnières sculptent les paysages arctiques. Ses formes de vie étonnantes foisonnent dans des conditions de vie extrêmes, de l’infiniment petit, avec des algues accrochées aux cristaux de glace, à l’infiniment grand avec les baleines boréales... Le temps d'une plongée, je fais partie de cet écosystème aquatique polaire et je vous prête mes yeux pour le contempler. Visiteur fugace, je nage librement sous la glace comme un phoque annelé et je pense à notre responsabilité à tous de protéger cet environnement fragile.

Les explorateurs de l’Arctique m’ont inspirée et donné la force de mener à bien mes records du monde sous la banquise. Comme eux, dans l'effort, j’ai ressenti la pureté et l'immensité de la nature polaire et, comme eux, j'aimerais que les générations futures en témoignent. Avec ces deux records du monde Guinness, je voulais partager avec vous ma conscience de la fragilité du milieu marin arctique et développer notre responsabilité en matière de conservation.

 

 

 

 

 

 

"Ode à l'Océan Arctique"

Ode à l'Océan Atlantique :

Je me suis rendue sur la côte Atlantique pour voir la mer autrement. Les marées, le vent, tout est mouvement ici ! Pourtant, le bien-être apporté par la côte Atlantique est aussi fort que celui que je connais en Méditerranée. L'eau est fraîche, revigorante. Et un bain tous les matins dans l'Atlantique donne une belle énergie pour la journée. Rien de mieux pour recevoir immédiatement les bienfaits de l'environnement marin. A marée basse, on doit d'abord marcher quelques minutes afin d'avoir assez de profondeur pour nager. Qu'à cela ne tienne, marcher dans le sable mouillé chargé de morceaux de coquillages masse la voute plantaire. Plus l’on s'avance dans l'eau, plus l’on s'habitue à la température froide de l'eau.

Mon meilleur souvenir reste la rencontre sous-marine avec un phoque commun (Phoca Vitulina) qui se promenait dans les forêts d'algues laminaires traversées par les rayons du soleil. Il m'a regardée avec tant de curiosité et de bienveillance. J'ai ressenti dans l'Atlantique le même attachement à la mer que dans mes plongées profondes en Méditerranée : cette envie de me confondre dans l'élément marin qui dépasse toute appréhension.

Le meilleur reste à venir. Le meilleur du bain est quand on sort du bain justement. La sensation de fraîcheur active alors la circulation et l'on sent toutes les particules marines, comme une empreinte de la mer, tonifier la peau.

 

 

 

 

 

 

"Ode à l'Océan Atlantique"

Ode à l'Océan Pacifique :

 

Glisse, calme et volupté... sont les mots qui me viennent à l'esprit quand je repense à mes plongées aux côtés d'un requin baleine dans la baie de la Paz (Mer de Cortez). Son silence est comme empreint de la douceur d'un air d'opéra... La diva imaginaire porte une robe bleue tachetée de blanc. Elle ne chante pas, mais elle enchante les plongeurs. Nager à ses côtés est un privilège. Le requin baleine est en taille ce que la baleine bleue est pour les mammifères : c'est le plus grand poisson du monde ! Je tente de garder le rythme de sa nage sous la surface et reprends régulièrement ma respiration sans jamais cesser de le contempler. Bientôt, je suis comme hypnotisée par ses superbes points blancs qui réfléchissent la lumière du soleil sous l'eau. Sa peau est comme une constellation d'étoiles dans un ciel noir.

J'apprendrai plus tard, lors de ma rencontre avec Darren Andrew Whithead et Manuel Gonzalez, fondateurs de l'ONG Whale Shark Research Program à La Paz, que c'est grâce à la disposition de ces tâches blanches que l'on peut identifier chaque requin. C'est en quelque sorte « son empreinte digitale ». Malheureusement, ces tâches blanches ne sont pas les seules marques sur son grand corps bleu. Je découvre aussi 3 blessures béantes sur sa nageoire caudale. Ces trois lacérations parallèles sont les entailles typiques laissées par une hélice de bateau. Cette rencontre avec Constellation, ainsi que je l'ai nommé, ravive ma volonté de relier ma pratique de l'apnée avec la sensibilisation à la conservation des espèces classées vulnérables par l'IUCN comme le requin baleine, classé espèce vulnérable par l'UICN. On puise une telle énergie positive dans ces plongées libres avec des animaux sauvages. Au bout d'une demi-heure de nage coordonnée, j'ai senti qu'il m'avait acceptée dans son environnement et j'ai enlevé mon masque pour le voir de mes propres yeux. Bien sûr ma vision était floue mais plus rien ne me séparait de cet animal majestueux. Mes yeux étaient près de ses yeux et l'eau de mer nous reliait complètement. Un instant de plénitude où tout mon corps, et pas seulement mon visage, souriait intérieurement.

 

 

 

 

 

 

"Ode à l'Océan Pacifique"

 

 

Ode à l'Océan Indien :

 

L'apnée et l'aventure des profondeurs sont une quête du bien-être dans ma vie quotidienne, mais aussi un magnifique vecteur de découvertes du monde marin. Je voulais plonger dans les îles éparses car leur isolement en fait des sanctuaires de biodiversité uniques, pas, ou très peu, perturbés par les activités humaines. Ce district des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) donne l'exemple d'une nature totalement préservée qui pourrait bien être une « une source de biodiversité pour les territoires adjacents » explique l'administration des TAAF. Pour exemple, le récif corallien de l'île d'Europa, considérée comme vierge, c'est un « écosystème référence » de l'Océan Indien.

Et sous l'eau, les couleurs de l'Océan Indien semblent irréelles, des couleurs que nous n'avons plus l'habitude de voir sous l'eau, ou seulement dans les aquariums... En démontre la diversité des bénitiers, ces magnifiques coquillages au manteau multicolore, pourtant menacés dans le reste de l'Océan Indien. Les couleurs et la clarté de l'eau sont ici le signe de la bonne santé d'un atoll corallien. A Glorieuse, je découvre à marée basse une plage de sable blanc où la mélodie des vagues a laissé son empreinte comme une envolée de notes sur un papier à musique. Et sur les rochers qui la bordent, je découvre une forme de vie primitive : les chitons, d'étonnants mollusques dotés d'une carapace en aragonite qui les rend invisibles sur les rochers qui les portent. Et, curiosité de la nature, sur cette armure de pierre se trouvent des yeux de pierre ! L'animal voit ce qu'il se passe derrière son dos et dès qu'il détecte le mouvement d’un prédateur potentiel, il se fige sur la roche, imprenable. A Juan de Nova, je suis marquée par le ballet des tortues vertes dans l'eau turquoise qui durent pensant des heures. Les tortues vertes ont fait des îles éparses leur refuge. Elles viennent s'y reproduire et y pondre chaque année sans risquer de voir leurs œufs piétinés dans le sable. Contempler ces rares écosystèmes marins de la planète qui ne sont pas perturbés par l'homme donne un espoir, l'espoir de rassembler nos efforts pour restaurer la biodiversité marine et de rendre à la mer ses couleurs originelles.

 

 

 

 

 

 

"Ode à l'Océan Indien"

 

 

Ode à l'Océan Antartique :

 

Je rêve de plonger dans la mer de Ross car c'est le plus grand sanctuaire marin du monde. Il a été créé le 1er Décembre 2017, pour une période de 35 ans, suite à la signature des 25 membres de la Commission pour la Conservation de la Faune et de la Flore Marine de l'Antarctique (CCAMLR). Un accord historique très positif en termes d'écologie marine. La zone protégée s’étend sur plus de 1,55 millions de mètres carrés. Les scientifiques la considèrent comme le dernier écosystème marin intact de la planète, tant il est isolé du reste du monde et peu touché par la pollution et la pêche intensive. De plus, la mer de Ross contient les eaux les plus riches en nutriments de tout l'Antarctique, ce qui entraîne une concentration en phytoplancton et en krill incomparable et attire crevettes d'eau froide, poissons, oiseaux et mammifères marins. Au total, plus de 16 000 espèces marines vivraient dans cette région du globe !

Je suis convaincue que pour sensibiliser le grand public à la protection de l'environnement marin il ne faut pas seulement des constats négatifs et alarmants. Il faut aussi porter nos jumelles sur les rares sanctuaires marins préservés comme la mer de Ross pour montrer ce que l'on pourrait retrouver grâce aux efforts de tous les écocitoyens. Je vois dans la mer de Ross un espoir et des plongées symboliques pour donner un élan positif à l'écologie marine. C'est pourquoi je voudrais y plonger le plus vite possible.

 

 

 

 

 

 

"Ode à l'Océan Antartique"